C’est décidé :
Nous bombarderons la Syrie à partir du 1er juillet.
Notre premier ministre vient de l’annoncer officiellement. C’était prévisible. Le peu de mobilisation qu’a suscité la manifestation nationale du 24 avril, tout comme les pétitions, conférences et autres initiatives opposées à nos postures guerrières, ont forcément conforté le gouvernement dans le plan qu’il s’était déjà tracé.
Après l’Afghanistan la Libye, l’Irak – pour citer quelques unes de nos cibles les plus récentes –, c’est bien parti pour la guerre sainte, de tous les côtés !
Oui, nous employons des mots qui vont choquer. La cible, ce n’est pas la Syrie, c’est Daech. La guerre sainte, ce n’est pas la nôtre, c’est la leur. Les mots, ah ! les mots, ces maquillages de l’obscène réalité bien plus efficaces que les camouflages de nos forces armées ! Lesquelles, après tout, ne font qu’obéir aux ordres. Aux ordres de qui ?… Des Etats-Unis ? De l’Otan ? De l’Europe ? De notre gouvernement ? De tous ces pouvoirs réunis ?…
Sommes-nous sûrs de n’avoir oublié personne ?…
On aurait pu nous citer en premier lieu, vous et nous qui avons la chance de vivre en démocratie où le pouvoir appartient au peuple.
Mais où était le peuple en 14-18 ? En 40-45 ? En train de subir les pires outrages de la guerre sans l’avoir voulue. Et depuis lors jusqu’à nos jours, quand encadrés et relayés par nos puissants alliés d’Outre-Atlantique, nous n’avons cessé de guerroyer sur d’autres continents pour poursuivre le rêve impérial d’une hégémonie occidentale, qu’avons-nous fait, peuples d’Europe, sinon condamner d’autres peuples aux pires exactions sans les avoir voulues ? Avoir déclenché deux guerres mondiales, ce n’était donc pas suffisant ?
Une constante, dans tout cela : qu’il est profond, partout, le fossé qui sépare les puissants des peuples qu’ils sont censés diriger ! Ignorance, désinformation, propagande ?… Sans doute, mais n’avons-nous tout de même pas quelque responsabilité dans ce consentement facile ? Peut-être celui de la passivité qu’un syndicaliste dénonçait lors d’une récente Nuit debout à Namur: « Est-ce qu’on ne devrait pas aussi faire le procès des citoyens ? ».
On aurait pu penser qu’au vu de toutes les erreurs et tromperies du passé, nous allions enfin nous ressaisir. Et bannir une fois pour toutes le recours à la violence déchaînée. Oh ! pas la petite criminalité quotidienne, non la violence institutionnalisée, magnifiée, sacralisée, nourrie des plus hauts idéaux, et aussi du meilleur de la science et des technologies d’avant-garde, allant de pair avec la bonne vieille conscience d’appartenir, encore et toujours, aux nations les plus civilisées, détentrices et missionnaires du Progrès.
N’est-ce pas toute la différence, finalement, entre les bombes d’ici et les bombes de là-bas ? La plupart des morts sont, toujours et partout, d’innocentes victimes mais, avouons-le, un F-16 supersonique a tout de même plus d’allure qu’une kalachnikov ou qu’un vulgaire paquet d’explosifs. Sans parler du nombre des victimes.
Nous parlions de démocratie et de progrès. Est-ce la simple passivité du citoyen qui explique cette indifférence à « des événements qui nous dépassent » selon l’expression consacrée ? Ou peut-être l’absolue priorité de ses préoccupations, de son angoisse quotidienne : celle de survivre dans nos eldorados.